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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 12:43

Dans la Nef des fous, Bosch imagine que toute l'humanité voyage par les mers du temps sur un bateau, un petit bateau, qui est représentatif de cette humanité. Tristement, chacun des représentants est un fou. C'est ainsi que nous vivons, dit Bosch - nous mangeons, buvons, flirtons, trompons, jouons des jeux idiots, poursuivons des objectifs inaccessibles. En attendant notre bateau dérive sans but et nous n'atteignons jamais le port. Les imbéciles ne sont pas les irréligieux, puisque préémiment parmi eux sont un moine et une nonne, mais ils sont ceux qui vivent "dans la stupidité". Bosch rit mais ce rire est triste. Lequel d'entre nous ne navigue pas dans le misérable malaise du bateau de la folie humaine ? Génie excentrique et secret qu'il était, Bosch a non seulement déplacé le coeur, mais l'a fait explosé en une conscience parfaite. Les choses sinistres et monstrueuses qu'il a mise ci-devant sont les créatures cachées de notre amour-propre intérieur: il extériorise la laideur du dedans et donc ses démons déformés ont un effet au-delà de la curiosité. Nous ressentons une parenté haïssable avec eux. 

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Il y a une allégorie très nette d'un renversement du monde, de l'ordre, et surtout de l'ordre religieux, marqué ici par la centralité des personnages qui en sont issus, nonne et moine. Le ventre est le centre du pêché (représenté par la tête de poisson mort - tête qui, nous dit l'artiste est, chez nous, malade...), la table, l'ivresse, la cruche, discrète représentante du sexe de la femme, tout le montre. Le Démon observe, d'en haut, masque de chouette juché sur la cime d'un arbre, cette humanité perdue, s'enfonçant dans la débauche. La critique est sévère, la conscience profonde de la crise que traverse son monde. C'est l'école flamande, à peine sortie du moyen-âge, fidèle à la tradition, encore sourde à la perspective et à l'anatomie que font éclater les écoles italiennes à la même époque. Ici il n'est question que de dialogue de l'homme avec Dieu, un Dieu par ailleurs singulièrement absent (?), avec lui-même surtout et avec ses démons intérieurs, dialogue qui dévoile la noirceur et la putréfaction de son âme. Questions du temps, annonce des douleurs à venir, Bosch est aussi prophète...

 


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